La SFEN Bourgogne Franche Comté et WiN Bourgogne ont invité Eric Molinié, Chef de Département, Délégué du Département Matériaux et Mécanique des composants à EDF R&D, pour une conférence sur ce thème le jeudi 19 Octobre 2017 dans le grand amphi de l’ESIREM.

Les matériaux de l’îlot nucléaire d’une centrale sont des aciers faiblement alliés ou inoxydables austénitiques, des alliages à base de nickel, de zirconium ou d’Ag-Id-Cd ou des céramiques pour le combustible UO2 et PuO2. Dans un volume de 500m3, sous une pression de 155 Bars, le débit d’eau est de 18m3/s, la température haute de 323°C, la température basse 286°C, le tout sous un flux de neutrons.

Eric Molinié : « l’âge moyen des réacteurs approche les 30 ans, 21 sur les 58 ont reçu l’autorisation de l’ASN de fonctionner jusqu’à 40 ans. Aux USA, 84 réacteurs sur 99 ont déjà reçu leur licence pour être exploités jusqu’à 60 ans dont une trentaine de la même technologie que les réacteurs français. En France 27 réacteurs ont déjà fait l’objet d’un remplacement de leurs générateurs de vapeur »

En France, c’est l’Arrêté du 10 Novembre 1999 relatif à la surveillance de l’exploitation du CPP[1] et des CPS des réacteurs nucléaires à eau sous pression qui règle ce contrôle, en particulier l’Article 12 : « L’exploitant met en œuvre les moyens nécessaires pour connaître l’évolution en exploitation des propriétés des matériaux constitutifs des appareils ayant un impact sur le maintien de son intégrité » L’exploitant EDF a mis en place dans chaque cuve des capsules contenant des éprouvettes de suivi du vieillissement et une instrumentation dosimétrique. Chaque capsule extraite représente un état de vieillissement sous irradiation de la cuve à chaque visite décennale.

Eric Molinié : « Les structures internes inférieures doivent porter le poids du cœur, maintenir en alignement les assemblages combustibles les grappes de commande et l’instrumentation, canaliser l’écoulement du fluide caloporteur, protéger la cuve contre les rayonnements émis par le cœur, conserver toujours une grande rigidité étant donné la précision d’alignement requise. Les structures internes supérieures doivent positionner les grappes de commande rigoureusement dans l’axe des assemblages combustibles »

Ce suivi du vieillissement a mis en évidence l’apparition de fissures sur les vis de la cloison renfort qui entoure le cœur, pour les réacteurs les plus anciens. Ce défaut est apparu à l’examen par ultrasons. Ces fissurations sont provoquées par la corrosion sous contrainte assistée par l’irradiation (IASCC) ou en Français CSVAI (Corrosion sous Contrainte Assistée par Irradiation). D’où la  mise en place d’une stratégie d’inspection de toutes les tranches et de remplacement des vis sur les tranches les plus anciennes.

Les différentes études de l’influence de l’irradiation neutronique sur le vieillissement des matériaux constituant la cuve et les internes d’un réacteur nucléaire font ressortir l’action du flux neutronique sur la microstructure de ces matériaux. Le flux neutronique occasionne des déplacements des atomes créant ainsi des défauts interstitiels et des lacunes. Cela a pour effet un durcissement de la matière et une perte de ductilité, ainsi qu’une fragilisation associée. Pour les vis de cloison renfort, on peut observer également une diminution de la teneur en Cr et une augmentation de la teneur en Ni, aux joints de grains, ainsi que la présence de très petites cavités et/ou de bulles d’hélium, sans qu’aucun gonflement macroscopique ne soit avéré.

Toutes ces études sont faites avec l’appui de simulations et de modélisations numériques et en soumettant les échantillons extraits des différents composants à des irradiations complémentaires de neutrons dans les réacteurs de recherche, dans le but de progresser sur la compréhension des mécanismes de vieillissement sous irradiation.

[1] CPP et CSP : Circuit primaire principal et circuit secondaire principal

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