A l’occasion de la réunion à l’Elysées de 64 intellectuels pour le Grand Débat, Claude Cohen Tannoudji, Prix Nobel de Sciences (1997), se prononce en faveur du nucléaire.
« Dans cette très brève intervention je voudrais parler d’activités qui me tiennent à cœur et qui me paraissent essentielles pour permettre à notre pays de relever les défis qu’il va affronter dans les prochaines décennies et pour pouvoir maintenir sa place dans la compétition internationale. Comme mon collègue et ami Serge Haroche je voudrais me concentrer sur la recherche et sur la transmission des savoirs, c’est-à-dire l’enseignement. Notre pays occupe actuellement une place tout à fait honorable dans la compétition internationale. Laissez moi donner un chiffre, je connais un laboratoire, où j’ai passé toute ma carrière, qui a vu trois de ses chercheurs couronnés par trois Prix Nobel sur une période inférieure à cinquante ans : de 1966 à 2012. C’est une circonstance très rare qui mérite d’être mentionnée. Les résultats obtenus dans de nombreux autres laboratoires en France sont aussi de toute première qualité et très appréciés dans le monde.
J’ai eu la chance aussi de passer trente ans au Collège de France (comme enseignant) qui est un merveilleux temple du savoir et qui est admiré dans le monde entier. Malheureusement maintenant, je rencontre de plus en plus de jeunes gens et de jeunes filles attirés par la recherche, qui voudraient faire une carrière de chercheurs et qui sont très vite découragés par la difficulté d’obtenir un poste et ensuite confrontés au manque de crédits pour leurs expériences. Je pense qu’il faut corriger cette situation : soutenir les jeunes est le meilleur investissement que puisse faire notre pays.
La recherche scientifique me parait également nécessaire pour permettre à une population croissante dans le monde de satisfaire les besoins essentiels en énergie et en eau tout en préservant l’avenir de notre planète. Le nombre de tonnes de CO2 relâché dans l’atmosphère par habitant pour produire de l’électricité et l’un des plus bas en France, de tous les pays développés. Il est 1,8 fois plus bas en France qu’en Allemagne, 3,2 fois plus bas en France qu’aux USA. Si tous les pays étaient capables de réduire leur rejet, la situation serait beaucoup plus favorable.
Ce résultat remarquable a été obtenu par les ingénieurs et chercheurs du CEA, créé par le Général de Gaulle à la fin des années 40, qui ont réussi à construire des réacteurs nucléaires de très grande qualité, produisant de l’électricité sans émettre de CO2. Je pense qu’il faut soutenir cette activité qui intéresse le monde entier. Je suis sûr que les gens pourront construire alors des réacteurs beaucoup plus performants à neutrons rapides et également beaucoup plus sûrs. D’autres ressources sont à approfondir : énergie solaire, piles à combustibles…
La dessalinisation de l’eau est un problème fondamental pour l’agriculture. Nous avons tous apprécié la marche des jeunes pour l’avenir de notre planète, ce sont eux qu’il faut encourager à faire de la recherche car ils auront à résoudre les problèmes que je viens de mentionner. »
